Publié le 05/10/2018 à 15h21 /

La profession attend de pied ferme les ordonnances d’application de la loi Egalim

// L’Assemblée nationale a définitivement adopté le 2 octobre le projet de loi sur l’agriculture et l’alimentation. Désormais, les organisations agricoles attendent avec impatience la sortie des ordonnances : celle qui aborde les sanctions pour les prix abusivement bas, celle qui porte sur l’encadrement des promotions (avec l’objectif de les limiter à 34% en valeur et à 25% en volume), et celle sur le relèvement à 10% du seuil de revente à perte.

Le Premier ministre — qui avait clos, en décembre dernier, les travaux des Egalim dont est issue la loi — s’est engagé à « tenir sur les ordonnances ».

Les États généraux de l’alimentation, lancés le 20 juillet 2017 et conclus le 21 décembre, avaient réuni l’ensemble des acteurs de la filière agroalimentaire autour de deux objectifs principaux : redonner de la valeur à l’amont de la filière, et poser les jalons d’une alimentation plus durable, en accord avec les exigences sociétales. Découlant directement de ces travaux, le ministre de l’agriculture a, ensuite, présenté un projet de loi qui a été longuement débattu au Parlement.

Ce mardi 2 octobre, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le texte «pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous» par 227 voix pour, 136 contre et 11 abstentions. Le ministre a salué «200 heures de débat au total et plus de 8.000 amendements examinés», tout en regrettant le rejet du texte par le Sénat en seconde lecture.

Un texte édulcoré

Toutefois, un grand nombre d’acteurs estime que le projet de loi aurait pu aller plus loin sur certains points pour répondre à l’ensemble des promesses formulées par le Président de la République lors de sa campagne électorale et même lors de son discours de Rungis, le 11 octobre 2017.

Sur le sujet majeur du retour de la valeur aux producteurs, les agriculteurs restent déçus du rôle limité de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, qui n’aura pas le dernier mot en cas de désaccord interprofessionnel lors de la définition des indicateurs de coûts de production. «Lorsqu’il y a un déséquilibre structurel, comme ici entre les producteurs d’une part et industriels et distributeurs d’autre part, ce sont les plus forts qui en bénéficient», avaient rappelé la FNSEA et JA dans un communiqué, le 27 septembre.

Désormais, les organisations agricoles attendent avec impatience la sortie des ordonnances, tout particulièrement celle qui aborde les sanctions pour les prix abusivement bas, celle qui porte sur l’encadrement des promotions (avec l’objectif de les limiter à 34% en valeur et à 25% en volume), et celle sur le relèvement à 10% du seuil de revente à perte. Ces ordonnances devraient être publiées «dans les prochaines semaines», a affirmé le ministre de l’agriculture dans son discours à l’Assemblée nationale.

Répondant à Michel-Edouard Leclerc qui, le 1er octobre, a envoyé une lettre au Premier ministre, estimant que la remontée du seuil de revente à perte avait «un impact inflationniste important» sans pour autant garantir un ruissellement vers les agriculteurs, et demandant le report de la mesure à l’année prochaine, Stéphane Travert a tenu à préciser que «contrairement à ce que certains prédisent, ce projet de loi n’est pas là pour augmenter les prix pour le consommateur».

Les distributeurs dans le collimateur

De son côté, la FNSEA attend le gouvernement au tournant sur le contenu des ordonnances et leurs dates d’entrée en vigueur, dont dépend le rééquilibrage de la valeur dans la chaîne alimentaire. Rappelant que les négociations commerciales de l’an dernier s’étaient très mal passées, Christiane Lambert a précisé que la FNSEA «ne faisait pas confiance aux distributeurs» qui n’avaient pas respecté la charte d’engagement qu’ils avaient pourtant signée en novembre 2017 en présence du ministre de l’agriculture.

Selon la centrale syndicale, «aussi bien pour l’encadrement des promotions que pour le relèvement du seuil de revente à perte, il est primordial que ces dispositifs soient effectifs dès les prochaines négociations commerciales, sans quoi la guerre des prix risque de perdurer ou même de se renforcer pendant cette période charnière». «Il faut protéger les paysans contre le comportement inacceptable de certains acteurs, sinon nous changerons aussi notre comportement !», a prévenu de son côté le président de JA, Jérémy Decercle.

Pour répondre à l’objectif de produire une alimentation plus saine et plus durable, les débats du Parlement se sont beaucoup cristallisés sur l’interdiction du glyphosate. Si le gouvernement en a programmé la sortie avant 2022, il a refusé d’inscrire cette interdiction dans la loi, au grand soulagement des agriculteurs qui manquent encore d’alternatives à ce produit. Une mission de suivi de ce sujet a été mise en place à l’Assemblée nationale le 27 septembre. En revanche, la profession agricole s’inquiète que la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires a été actée, de même que l’interdiction de la promotion sur ces produits.

Préoccupations sociétales

Par ailleurs, pour permettre à 15% de la surface agricole utile d’être cultivés en bio d’ici 2022, le texte fixe un objectif d’atteindre 20% de produits bio dans la restauration collective d’ici quatre ans.
Enfin, la loi entend également répondre aux préoccupations sociétales concernant le bien-être animal à travers une expérimentation, pour deux ans, de la vidéosurveillance dans les abattoirs sur la base du volontariat. De plus, le texte interdit la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses en cages, et la généralisation d’un responsable de protection animale dans les abattoirs.

Si le texte apporte un début de réponse aux trop faibles revenus des agriculteurs, «le pragmatisme doit demeurer la priorité car les agriculteurs ne pourront accepter un alourdissement des charges alors que les garanties sur leurs prix de vente rémunérateurs ne sont pas encore assurées. Nous y veillerons», rappelle tout de même la FNSEA.

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