Publié le 25/01/2016 à 09h39 /

L’élevage français, grand perdant des négociations UE/USA

// Vu les modes de productions aux États-Unis et la performance des outils d’abattage, les filières d’élevage françaises n’ont rien à gagner à un accord de libre-échange.

Sur les questions de santé animale et de sécurité sanitaire, «les paradigmes sont diamétralement opposés» des deux côtés de l’Atlantique

«La France est un grand pays exportateur! Quand on regarde le TTIP (N.D.L.R.: accord de libre-échanges UE/États-Unis), on est plus méfiant. Il existe quelques dossiers qui comportent un espoir comme les vins et spiritueux ou les produits laitiers. Mais sur tout le reste, nous sommes extrêmement sur la défensive», s’est exclamé Arnold Puech d’Alissac, administrateur à la FNSEA.

Présent au colloque du 14 janvier sur les filières animales aux États-Unis dans la perspective d’un accord de libre-échange avec l’UE, organisé par le RMT Économie des filières animales, il a résumé la position de la France face au TTIP. Œufs, volaille, viande bovine et porcine, toutes ces productions seraient perdantes à la signature de cet accord.

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Ainsi, Estelle Antoine, ingénieur de recherche à l’Institut français du porc (IFIP), donne pour exemple, le jambon, «des pièces mal valorisées aux États-Unis qui pourraient entrer sur le marché français à un prix toujours inférieur à celui de Rungis», explique-t-elle. Avec la longe ou l’épaule, «malgré l’impact du fret et du taux de change, le constat est sans appel: les prix américains seront inférieurs au prix européen», conclut Estelle Antoine.

Le lobby laitier américain craint l’arrivée des fromages européens

Entre hormones de croissance, antibiotiques et taille des ateliers d’engraissement, Pauline Madrange, chef de projet à l’Institut de l’élevage, ne fait que confirmer la position très défensive de la France au sujet de la production bovine. «L’aloyau américain a un vrai avantage compétitif sur l’aloyau français», analyse-t-elle. Camille Deman, chargée d’étude économique à l’Institut technique de l’aviculture (Itavi), constate qu’entre jaune séché, poudre d’œuf ou poulet de chair, les États-Unis gagnent toujours la partie. «Les élevages aux États-Unis comportent 200.000 poules contre 60.000 en France!», relève-t-elle.

Reste le lait: si les États-Unis peuvent envoyer pour moins de 200 millions d’euros de produits en Europe (86% ingrédients issus du cracking du lait et 9% de fromage), l’Europe en retour, avec ses produits à forte valeur ajoutée, rendra la pareille mais pour plus d’un milliard d’euros (67% de fromage, 27% ingrédients issus du cracking du lait, beurre 4%), annonce Fabien Champion. «Le lobby laitier est très fort aux USA», rappelle-t-il, au point que les négociateurs «vont aller vers l’affrontement».

Le bien-être animal ne peut pas être un moyen de pression

Du côté de la santé animale et de la sécurité sanitaire, «les paradigmes sont diamétralement opposés», analyse Fabien Champion. L’Europe se base sur le principe de précaution et les USA sur le fait de valider d’office un produit puis de le bannir si des effets nocifs sont détectés à l’utilisation. «Sur les méthodes d’abattage, nous avons des coûts sanitaires liés à nos méthodes qui nous pénalisent fortement. Mais nous n’avons aucune raison de changer ces méthodes. La Commission européenne va dire aux États-Unis, “vous pouvez envoyer vos produits chez nous” tout en nous disant de conserver nos contraintes au niveau des abattoirs!», s’exclame Arnold Puech d’Alissac. Yves Trégaro, économiste à FranceAgriMer, alerte de son côté sur la différence de réglementation entre États, qui se retrouve bien par exemple sur le sujet du bien-être animal.

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