Publié le 30/10/2015 à 12h22 /

Crise de l’élevage : «Aide-toi, le médiateur t’aidera»

// Francis Amand, médiateur des relations commerciales agricoles, revient sur le marasme qui secoue les éleveurs, confie son analyse sur les causes des tensions et livre quelques pistes de solutions.

En cet été jalonné de multiples manifestations agricoles, Francis Amand, médiateur des relations commerciales, avait été mis à contribution par Stéphane Le Foll, pour déterminer les responsabilités dans la crise de l’élevage.

Sur la crise de l’élevage, pouvez-vous, avec le recul, expliquer les confusions de cet été tant dans les annonces que dans les réactions?
Francis Amand - C’est certainement la combinaison de différentes causes qui a conduit à cette situation. Trois crises différentes ont dû être gérées en même temps et dans l’urgence: porc, viande bovine et lait. Le ministre de l’agriculture n’a pu aller à l’encontre des objectifs de prix revendiqués par les éleveurs, tout en sachant qu’il n’a pas la possibilité juridique de les imposer. Il ne les a retenus que pour autant qu’ils permettaient d’engager un chemin vers le soutien des éleveurs.

Nous, médiateurs, avons alors été mis à contribution dans une configuration que nous n’avions jamais connue jusqu’alors. Notre rôle consiste normalement à analyser la situation dans une filière, faciliter les négociations entre les producteurs et les opérateurs pour leur permettre de partager des solutions. Nous nous sommes retrouvés cet été dans une situation inédite où il a fallu garantir des engagements qui n’avaient pas fait l’objet d’une concertation préalable.

Les éleveurs ont ensuite été déçus car ils espéraient, à tort, que nous pourrions obliger les opérateurs à pratiquer le prix revendiqué. Il faut notamment rappeler que nous n’avions pas fixé de prix lors de notre médiation sur la filière laitière en 2013 et avions seulement permis que les transformateurs ne dénoncent pas les contrats comportant un prix qu’ils avaient déterminé indépendamment, en accord avec leurs fournisseurs.

Où en est-on aujourd’hui? Les filières sont-elles en voie de sortir de l’impasse?
F. A. - Chaque filière est différente. En lait, les discussions ont repris entre producteurs et laiteries. Les premiers semblent avoir compris que 340€/1000l, ce n’est pas tenable en moyenne annuelle eu égard à l’évolution des prix sur les marchés extérieurs. Les prix vont continuer à descendre mais ne devraient pas passer en dessous de la barre symbolique des 300euros grâce aux engagements pris fin juillet, pour un prix moyen de l’ordre de 310 à 315€/1000l. 

En viande bovine, c’est plus compliqué car il n’y a pas de relation évidente et stable entre le prix de la carcasse et la valorisation des différents morceaux de découpe qui en sont issus. Il est difficile de constater comment les hausses de prix se répercutent aux différents maillons de la chaîne. Et on ne peut évidemment pas faire de perquisition chez les opérateurs comme pour une enquête, notamment parce que les engagements qu’ils prennent sont volontaires!

Malgré tout, le travail avance, et j’espère que nous pourrons proposer un bilan de la situation d’ici quelques semaines. Mais, c’est la filière porc qui est actuellement la plus compliquée car les négociations sont au point mort, ou du moins ceux qui les mènent le font sans la médiation. Le prix de 1,40€/kg n’était pas déraisonnable, toutes choses égales par ailleurs. Mais les cours mondiaux ont tellement chuté que les opérateurs qui commercent sur les marchés extérieurs sont forcément dans l’incapacité de tenir un tel prix. L’autre difficulté, c’est que les producteurs eux-mêmes ne semblent pas unanimes. Or, le travail du médiateur n’est pas d’accorder les producteurs entre eux. Il organise les relations commerciales entre les différentes parties concernées.

Quelles pistes de solution imaginez-vous pour la filière porcine?
F.A. - Les éleveurs ne sont pas encore d’accord sur ce qu’ils souhaitent, mais ils savent au moins ce qu’ils ne veulent pas: la vente de gré à gré. À partir de là, il me semble qu’il faudrait envisager de limiter le choix du mode d’achat à deux options: acheter sur un marché au cadran renouvelé ou via un contrat organisant la fourniture dans la durée.

Mais cette dernière voie suppose deux préalables. D’une part, l’élaboration de formes contractuelles intéressantes: un travail de recensement est en cours. D’autre part, et contrairement à ce qui a été fait en lait, la constitution d’organisations de producteurs capables de rééquilibrer la négociation des contrats. Et c’est sur cette seconde étape que le médiateur peut aider. Les éleveurs doivent d’abord se prendre en main eux-mêmes, ensuite nous pourrons les accompagner. J’ai envie de leur dire: «Aide-toi, le médiateur t’aidera!».

Propos recueillis par Bérengère Bosi

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