MSA : l'inéluctable rapprochement avec le régime général ?
// Dans un rapport rendu public le 26 mai, la Cour des comptes invite la Mutualité sociale agricole (MSA) à «prendre des mesures fortes dans le cadre de la prochaine convention d’objectifs de gestion» qu’elle doit signer dans les prochains mois avec l’État et recommande des «rapprochements» avec le régime général de la Sécurité sociale.
Dans son rapport thématique de 162 pages qu’elle vient de publier le 26 mai, la Cour des comptes pointe les écueils de ce «régime particulier de sécurité sociale en déclin structurel». La juridiction financière estime que son «fondement professionnel perd de sa substance», constatant que la démographie des non-salariés (500.000 chefs d’exploitation) décline de manière continue et que celui des salariés (700.000), dont le nombre stagne, est devenu majoritaire, fin 2018. «Au global, la MSA perd chaque année des assurés (…) Ce déclin démographique va se poursuivre : en 2030, le régime des non-salariés n’aurait plus que 367.000 cotisants, contre 478.000 en 2018», note la Cour.
«Une gestion insuffisamment performante»
Elle pointe aussi «une gouvernance spécifique qui constitue un frein au pilotage et aux réorganisations» et reproche à la MSA «une gestion insuffisamment performante», notamment parce que «la densité très élevée des accueils physique s’accompagne d’une productivité plus faible : 3,5 fois moins de visites par agent à l’accueil qu’au régime général».
Si la MSA constitue le deuxième régime de sécurité sociale en France avec 5,6 millions de ressortissants, le régime dépend aux deux tiers de la «solidarité nationale» (18 milliards d’euros transférés par les autres caisses de sécurité sociale) et «ses spécificités perdent de leur substance», considère la Cour des comptes.
Pour corriger ces imperfections, les magistrats de la Cour des Comptes envisagent un élargissement du régime professionnel au secteur agroalimentaire. Il reste que cette intégration à la MSA n’est, «à ce stade, souhaitée que par certains représentants de la MSA, le patronat et les syndicats de l’industrie agroalimentaire n’ayant fait aucun mouvement en ce sens», remarquent les magistrats financiers.
Ils ont aussi l’idée de «faire de la MSA la caisse de sécurité sociale des habitants des territoires ruraux». Mais cette proposition s’avère «difficile à mettre en œuvre». En revanche, sur le thème de la gouvernance, elle suggère de s’inspirer des autres caisses de Sécurité sociale, avec une représentation paritaire des employeurs et des salariés, et davantage de pouvoir pour le directeur de la caisse nationale (CCMSA).
«Des oppositions qui pourraient se manifester»
Les magistrats encouragent, par ailleurs, les «rapprochements opérationnels» avec le régime général, à commencer par les systèmes d’information. «Les questions portant sur l’avenir de la MSA ne peuvent plus être éludées au-delà de 2020, terme de la convention d’objectifs et de gestion (COG) avec l’État en vigueur», prévient la Cour des comptes.
La prochaine COG couvrira la période 2021-2025. Cependant une «intégration rapide» de la MSA au régime général n’est en revanche «pas envisageable», la Caisse nationale d’assurance maladie «étant déjà occupée à digérer l’ancien régime des travailleurs indépendants (RSI)», sans compter les «oppositions qui pourraient se manifester» dans le monde agricole, estime la Cour.
Invité à livrer, comme le prévoit la procédure, un premier niveau de réponse synthétique, le directeur général de la Caisse Centrale de MSA, François-Emmanuel Blanc, «ne souscrit pas à l’analyse d’un régime caractérisé par un déclin structurel susceptible de remettre en question sa légitimité». Dans les huit pages de sa réponse, il estime au contraire que la MSA contribue au «projet stratégique agricole français», que la MSA est portée «par des élus responsables» et qu’elle prend soin de ceux dont dépend «l’autosuffisance alimentaire du pays».
Comment a été menée l’enquête ?L’enquête de la Cour sur la MSA a été effectuée au premier semestre 2019 par six rapporteurs et a bénéficié du concours d’un auditeur de la direction générale des finances publiques. Elle a été conduite à la caisse centrale de la MSA (CCMSA) et dans neuf des 35 caisses locales, choisies en fonction de la composition de leurs ressortissants et de l’hétérogénéité de leurs performances de gestion, appréciées en fonction de certains critères : Alpes-Vaucluse ; Auvergne ; Porte de Bretagne ; Sud-Aquitaine ; Midi Pyrénées sud ; Bourgogne ; Sud Champagne ; Corse ; Île de France. Les contrôles sur pièces et sur place, à la caisse centrale et dans les caisses locales précitées, auxquels a donné lieu cette enquête ont été complétés par de nombreux entretiens, notamment avec des représentants de la profession et d’organismes agricoles.
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