Les irrigants du bassin de l’Adour veulent se faire entendre
// Une manifestation interdépartementale est organisée ce mardi 30 mars à Mont-de-Marsan pour dénoncer l’annulation de l’AUP. Cette décision de justice pourrait se traduire par une réduction de 30 à 50% des autorisations de prélèvements pour l’irrigation. Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, participera à ce rassemblement qui a reçu l’autorisation de la préfecture.
La colère est à la hauteur des enjeux. Ce mardi 30 mars, la FDSEA et Jeunes Agriculteurs des Landes mais aussi des trois autres départements concernés (Gers, Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées), ainsi que les associations d’irrigants, prévoient une vaste manifestation à Mont-de-Marsan suite à l’annulation par le tribunal administratif de Pau de l’Autorisation unique de prélèvement (AUP) du bassin de l’Adour.
Retour sur la genèse du dossier pour comprendre les raisons de cette mobilisation inédite. Le 20 janvier dernier, suite au recours administratif déposé en mars 2018 par France nature environnement (FNE) Midi-Pyrénées, FNE 65, les Amis de la Terre 32 et la Sepanso des Landes, le tribunal de Pau s’est prononcé sur la validité de l’AUP délivrée en 2016 à l’organisme unique de gestion collective Irrigadour.
La décision de justice, rendue le 3 février, annule l’arrêté interpréfectoral par lequel l’État délivrait à Irrigadour une autorisation pour la gestion des prélèvements d’eau concernant 145.000 ha de terres agricoles irriguées, dans 4.500 exploitations à cheval sur quatre départements : Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gers, et Hautes-Pyrénées.
Tout un système qui tombe
Les représentants agricoles déplorent une décision faisait fi du travail de gestion vertueux réalisés depuis de nombreuses années maintenant. «Le juge n’a pas retoqué l’étude d’impact environnemental», précise toutefois Jean-Luc Capes, le président de l’Association des irrigants landais (AGIL). Dans son jugement, le tribunal a motivé sa décision par un déséquilibre quantitatif pour quatre sous-bassins sur les quatorze que compte le périmètre d’IrrigAdour.
«La réponse est totalement décalée avec l’objet du recours, déplore le président de l’AGIL. D’autant que cette situation dans les sous-bassins est identifiée. C’est pour cela qu’il y a des projets en cours sur ces secteurs… Or, cela entraîne une suspension de l’ensemble du dispositif et remet en cause tout le travail réalisé au quotidien pour tenir l’étiage sur l’Adour».
Le jugement, prenant effet au 31 mai 2022, prévoit aussi de plafonner les prélèvements jusqu’à cette date, donc pour la campagne d’irrigation de cette année, à hauteur des moyennes des dix dernières années pour chaque point de prélèvement. Une mesure «infaisable» compte tenu des données disponibles et des 11.000 points de prélèvement, selon Jean-Luc Capes. En se basant sur l’échelon des territoires, un tel scénario pourrait impliquer une baisse des autorisations de prélèvement de 30 à 50% pour la prochaine campagne d’irrigation 2021 selon les secteurs !
Devant de tels périls, le comité syndical d’IrrigAdour a décidé de faire appel du jugement et déposera dans les prochains jours une demande de sursis à exécution. L’objectif est que la cour d’appel de Bordeaux examine ce dossier avant l’été. «C’est l’autorisation des services de l’État qui a été attaquée. Nous attendons donc aussi que le ministère de l’Écologie fasse appel de la décision», poursuit Jean-Luc Capes.
Par un communiqué publié le mercredi 24 mars, la préfecture des Landes a annoncé que le ministère de la Transition écologique et solidaire avait, également, décidé de se pourvoir en appel. «La préfète des Landes, préfète coordonnatrice du sous-bassin de l’Adour, a sollicité le ministère de la Transition écologique et solidaire à qui revient la décision de faire appel de ce jugement, explique le communiqué. L’analyse du tribunal administratif suscite en effet plusieurs interrogations… La préfète a informé Irrigadour il y a quelques jours dès que la décision a été prise, ainsi que la profession agricole».
L’irrigation sur le banc des accusés
Plus globalement, les représentants agricoles déplorent le procès qui est fait à l’irrigation. «Depuis quatre ans, la gestion d’IrrigAdour a fait ses preuves, estime François Lesparre. En face, nous avons quelques associations qui font tomber tout un système». Pourtant, c’est bien le développement des réseaux d’irrigation et des ressources associées qui a permis aux tissus agricole et agroalimentaire du Sud-Adour d’être ce qu’ils sont aujourd’hui. Un rapide coup d’œil sur le grand cycle de l’eau dans la région permet de comprendre l’intérêt d’un stockage d’une infime partie de la pluviométrie efficace.
Ces constats expliquent pourquoi les agriculteurs ne décolèrent pas depuis l’annonce de la décision de justice. Localement, le syndicat Jeunes Agriculteurs, épaulé par la FDSEA, a été le premier à faire entendre le mécontentement. «On se bat avant tout pour installer des jeunes, rappelle le président, Michaël Dolet-Fayet. Or, là où il n’y a pas d’eau, on n’installe plus… Nous avons fait monter la température, mais ce n’est qu’un début».
Fabien Brèthes